Exposition : Paul Klee aux prises avec la modernité

République Fédérale d'Allemagne - CIDAL - 05/03/2018 15:25:00

Rêve, imagination, couleurs : on n'associe pas spontanément Paul Klee (1879-1940) à l'école moderniste du Bauhaus. Pourtant, il y enseigna et y trouva une source d'inspiration.

es toiles sont constellées d'astres, hérissées de montagnes, parsemées d'échelles crevant les nuages et animées de figures géométriques jonglant avec les couleurs. Paul Klee (1879-1940) fut un peintre du rêve, de l'imaginaire, de l'intuition et du mystère. Et même s'il fut un artiste abstrait, son oeuvre semble parfois aux antipodes des recherches de l'École du Bauhaus, tournés vers la technique et le monde moderne. Pourtant, il y enseigna pendant dix ans (1921-1931). Et ce fut une confrontation féconde, révèle jusqu'au 10 juin l'exposition « Paul Klee. La construction du mystère » à la Pinacothèque d'art moderne de Munich.

Dans le creuset de l'École du Bauhaus

C'est Walter Gropius qui recruta Paul Klee en 1920. Le fondateur de l'École du Bauhaus, créée un an plus tôt, convainquit ce touche-à-tout d'apporter son expérience et son regard à ses étudiants, impatients de créer l'art du futur. Klee avait été l'ami des expressionnistes du Cavalier bleu. Il s'inspirait du cubisme et du constructivisme. Et il se passionnait pour l'architecture, ce qui ne fut sans doute pas étranger dans sa décision de rejoindre l'École de Weimar.

Mais le décalage était manifeste entre les passionnés de technique et ce « romantique », comme ils le surnommaient, qui préférait le silence d'un clair de lune aux bruissements de l'aviation naissante. Klee refusait de céder à l'euphorie du progrès typique des années 1920. Il enracinait sa conception de l'art dans l'histoire pour mieux l'ancrer dans la modernité. Il insistait sur le jeu, l'intuition et le génie plutôt que sur l'articulation entre l'art et la technique, la réconciliation entre le beau et l'utile. Quant à la toile, il voulait en faire un support pour organiser le chaos du monde et rendre visible des énergies cosmiques.

Cette tension a accompagné ses dix années à Weimar, puis à Dessau (où l'École du Bauhaus avait déménagé en 1926). Elle explique sans doute son départ pour l'Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf en 1931. Mais Klee était-il vraiment ce rêveur perdu dans le monde moderne, étranger à l'ambition artistique du Bauhaus ? En aucun cas, révèle l'exposition.

Aux confins de la rationalité froide, le mystère...

Même s'il évitait le contact avec la société industrielle de masse, Klee ne vivait pas reclus. Sa confrontation avec le réel et avec la réflexion du Bauhaus a été féconde.

La Pinacothèque d'art moderne nous fait suivre pas à pas le cheminement de sa réflexion. Klee s'est engagé dans une quête systématique des limites de la rationalité. Il a tâtonné aux frontières du réel rationnalisé, de la technique froide et de la réflexion abstraite pour aboutir à un dépassement. En effet, s'il a cherché sans fin les limites du rationnel, c'était pour mieux les franchir. Pour mieux entrer dans le champ du mystère.

« Paul Klee. La construction du mystère » : comme le suggère le titre de l'exposition, l'oeuvre du peintre peut se lire, pendant ces dix années, comme l'exploration d'un lien paradoxal entre la raison et le mystère. Klee a examiné d'un oeil critique les impulsions nouvelles données par ses compagnons révolutionnaires. Puis il les a transformées et les a fait participer à son propre élan créateur.

De cette période, les musées de Munich conservent de nombreux chefs-d'oeuvre. Plusieurs d'entre eux font partie de l'exposition : Pleine lune (1919), Croissance des plantes de nuit (1922), Bateau de l'aventure (1927), La Lumière Et Bien D'Autres Choses (1931)). Le reste, environ 130 toiles et dessins sur 150, provient de collections privées et de grands musées européens, américains et asiatiques.

L'exposition est organisée en coopération avec le Musée Franz Marc de Kochel am See qui présente conjointement une exposition consacrée aux paysages de Paul Klee (également jusqu'au 10 juin).

A.L.

« Paul Klee. Die Konstruktion des Geheimnisses » (Paul Klee. La construction du mystère) à la Pinacothèque d'art moderne de Munich jusqu'au 10 juin 2018
www.pinakothek.de/en/klee

« Paul Klee. Landschaften » (Paul Klee. Paysages) au Musée Franz Marc de Kochel am See jusqu'au 10 juin 2018
http://www.franz-marc-museum.de/english/index.php