Déclaration du président Donald Tusk sur le projet d'orientations concernant le cadre des relations futures avec le Royaume-Uni

Conseil européen - 09/03/2018 10:26:00

Bonjour. Je suis très heureux d'être de retour à Luxembourg. Et très heureux d'être ici, avec mon collègue et ami, le Premier ministre Bettel, afin de discuter de l'ordre du jour du Conseil européen de mars.

Il y a deux heures, j'ai adressé aux États membres de l'UE à 27 mon projet d'orientations concernant nos relations avec le Royaume-Uni après le Brexit. Je suis ici, à Luxembourg, pour consulter le Premier ministre sur ces orientations qui, je l'espère, seront adoptées lors de notre Conseil européen de mars. Ce n'est pas par hasard si, une fois de plus, j'entame mes consultations en vue de la réunion du Conseil européen ici à Luxembourg, avec le Premier ministre Xavier Bettel. Je compte vraiment sur tes conseils, toujours très constructifs et responsables.

Ma proposition montre que nous ne voulons pas ériger de mur entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Au contraire, le Royaume-Uni sera notre voisin le plus proche et nous voulons rester amis et partenaires également après le Brexit. Des partenaires qui soient aussi proches que possible, comme nous l'avons indiqué dès le lendemain du référendum.

Et, dans cet esprit, je propose une coopération étroite dans les domaines suivants.

Tout d'abord, dans la mesure où nous sommes confrontés à des menaces similaires sur le plan de la sécurité, je propose que l'UE et le Royaume-Uni poursuivent leur lutte commune contre le terrorisme et la criminalité internationale. L'instabilité accrue au niveau mondial appelle de notre part une coopération ininterrompue dans le domaine de la défense et de la politique étrangère. Ce qui est en jeu, c'est la sécurité de nos citoyens, qui doit être préservée au-delà du Brexit.

Ensuite, nous invitons le Royaume-Uni à participer aux programmes de l'Union dans les domaines de la recherche et de l'innovation, ainsi que dans ceux de l'éducation et de la culture. Cela est essentiel pour maintenir des réseaux personnels mutuellement bénéfiques et enrichissants dans ces domaines vitaux, et pour permettre à notre communauté de valeurs de prospérer également à l'avenir.

Enfin, nous sommes déterminés à éviter cette conséquence particulièrement absurde du Brexit que serait l'interruption des vols entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Pour ce faire, nous devons entamer des discussions à ce sujet dès que possible.

Venons-en maintenant à l'élément central de notre relation économique future. Au cours des discussions que j'ai eues à Londres jeudi dernier, et dans le discours qu'elle a prononcé vendredi dernier, la Première ministre du Royaume-Uni, Theresa May, a confirmé que le Royaume-Uni sortirait du marché unique, de l'union douanière et de la compétence de la Cour de justice. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le seul modèle possible qui reste soit un accord de libre-échange. J'espère qu'il sera ambitieux et avancé - et nous mettrons tout en oeuvre à cette fin, comme cela a été le cas avec d'autres partenaires, tels que le Canada récemment - mais, en tout état de cause, ce ne sera qu'un accord commercial.

Je propose que nous nous fixions comme objectif un accord commercial couvrant tous les secteurs et exempt de droits de douane sur les marchandises. À l'instar d'autres accords de libre-échange, il devrait couvrir les services. En ce qui concerne la pêche, l'accès réciproque aux zones et ressources de pêche devrait être maintenu.

Cette approche positive ne change rien au fait que, en raison du Brexit, nous serons amenés à prendre des chemins différents. En fait, il s'agira du premier accord de libre-échange de l'histoire qui distend des liens économiques au lieu de les resserrer. Notre accord ne contribuera pas à supprimer les frictions dans les échanges entre le Royaume-Uni et l'UE ou à les faciliter. Il les rendra plus complexes et plus coûteux qu'aujourd'hui, et ce pour tous. Telle elle l'essence même du Brexit.

En un mot, nous entamerons les négociations sur les relations futures avec le Royaume-Uni dans un esprit ouvert, positif et constructif, mais également avec réalisme. De mon point de vue, le résultat des négociations doit satisfaire à deux critères essentiels:

- le critère de l'équilibre des droits et des obligations. Par exemple, l'UE ne peut accepter d'accorder au Royaume-Uni les droits de la Norvège avec les obligations du Canada;

- le critère de l'intégrité du marché unique. Aucun État membre n'est libre de choisir les seuls secteurs du marché unique qu'il désire, ni d'accepter le rôle de la Cour de justice que lorsqu'il sert ses intérêts. Dans le même ordre d'idées, il est hors de question qu'un État tiers adopte une approche de "choix à la carte". Nous n'allons pas sacrifier ces principes. Ce n'est tout simplement pas dans notre intérêt.

Enfin, quelques mots sur un autre sujet du sommet de mars. À la suite de l'annonce faite par le président Trump, il existe un risque de voir surgir un grave différend commercial entre les États-Unis et le reste du monde, y compris l'UE. Le président Trump a déclaré récemment, et je le cite: "Les guerres commerciales sont bonnes, et faciles à gagner". Mais c'est plutôt l'inverse qui est vrai: les guerres commerciales sont mauvaises, et faciles à perdre. Pour cette raison, je suis fermement convaincu que le moment est venu pour les responsables politiques des deux côtés de l'Atlantique d'agir de façon responsable.

Étant donné que l'annonce faite par le président Trump pourrait avoir des répercussions pour les citoyens et les entreprises européennes, sans parler de l'économie mondiale, je proposerai que les dirigeants de l'UE tiennent lors du prochain sommet un débat extraordinaire consacré au commerce. Nous devrions avoir un objectif clair à l'esprit: maintenir en vie le commerce mondial. Et, si nécessaire, protéger les Européens des turbulences commerciales, y compris par des réponses proportionnées respectant les règles de l'OMC. Je vous remercie.