Contrôles aux frontières de l'espace Schengen

ECA - Cour des Comptes européenne - 11/11/2019 11:39:29


Les systèmes d'information utilisés dans le cadre des contrôles aux frontières de l'espace Schengen sont bien
conçus, mais les données qu'ils contiennent devraient être plus actuelles et plus complètes, estime la Cour des comptes européenne

Selon un nouveau rapport de la Cour des comptes européenne, les autorités chargées du contrôle des frontières dans les États membres devraient s'employer davantage à saisir rapidement des données
complètes dans les systèmes d'information de l'UE servant à la surveillance des frontières extérieures de
l'espace Schengen. Les systèmes d'information relatifs à ce dernier constituent un outil puissant et de
plus en plus utilisé par les gardes-frontières lors de leurs contrôles. Toutefois, certaines données n'y sont
actuellement pas incluses, et d'autres ne sont pas complètes ou saisies en temps utile. Les auditeurs
affirment que l'efficience de certains contrôles aux frontières s'en trouve dès lors réduite.

La création de l'espace Schengen, qui s'est accompagnée de l'abolition des contrôles aux frontières entre
les 22 États membres participants et quatre autres pays européens, a renforcé l'importance d'un contrôle
et d'une surveillance efficaces des frontières extérieures de l'espace Schengen afin de prévenir les actes
criminels et terroristes et de maîtriser les flux migratoires. Le budget dépensé par l'Union pour mettre en
place les systèmes d'information destinés à faciliter le travail des gardes-frontières est estimé à plus de
600 millions d'euros.
Les auditeurs ont examiné dans quelle mesure les principaux systèmes d'information servant au contrôle
des frontières permettaient aux gardes-frontières de contrôler les personnes qui pénètrent dans l'espace
Schengen par l'un des points de passage frontaliers autorisés, que ce soit sur terre, dans les ports
maritimes ou dans les aéroports. Ces systèmes concernaient les contrôles de personnes et d'objets, les
visas et les demandes d'asile, les comparaisons des signalements dactyloscopiques ainsi que les dossiers
passagers. Les auditeurs se sont rendus en Finlande, en France, en Italie au Luxembourg et en Pologne.
"Les gardes-frontières utilisent les données présentes dans les systèmes d'information pour décider s'il faut
laisser passer telle ou telle personne, mais il arrive que le système consulté ne leur fournisse pas les
informations adéquates pour leur permettre de prendre cette décision", a déclaré Mme Bettina Jakobsen, la
Membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport. "Notre audit visait à cerner, au niveau de la conception et de l'utilisation de ces systèmes, les aspects susceptibles d'aider les gardesfrontières à faire leur travail de manière plus efficiente."
Les auditeurs expliquent que, d'une manière générale, les systèmes d'information Schengen sont bien
pensés pour faciliter les contrôles aux frontières et que les États membres visités se conforment
globalement aux exigences juridiques en la matière. Toutefois, certains pays ont facilité plus que d'autres
l'efficience des contrôles aux frontières. Les États membres pourraient en outre utiliser les systèmes
d'information de manière plus systématique.
Plus de la moitié des gardes-frontières sondés par les auditeurs ont, à un moment ou à un autre, autorisé
des gens à traverser la frontière sans avoir consulté les systèmes au préalable. Les auditeurs ont
notamment relevé une différence entre le nombre de visas Schengen émis et le nombre de visas contrôlés,
ce qui pourrait vouloir dire qu'ils ne sont pas vérifiés de manière systématique à tous les points de
contrôle.
Les gardes-frontières ne reçoivent pas toujours à temps des données complètes de la part des systèmes.
Lorsqu'ils contrôlent un nom, ils peuvent obtenir des centaines de résultats (il s'agit le plus souvent de
"faux positifs"), qu'ils doivent vérifier manuellement. Selon les auditeurs, cela rend non seulement le
travail des gardes-frontières moins efficient, mais augmente aussi le risque de négliger des réponses
réellement positives.
En raison de retards non négligeables dans l'application des solutions informatiques pour la surveillance et
les systèmes de dossiers passagers, les autorités frontalières n'ont pas été en mesure d'échanger des
informations importantes. Des retards ont également touché l'échange d'informations sur la situation aux
frontières ainsi que l'échange de données dactyloscopiques. Les auditeurs soulignent que tout retard dans
la transmission de celles-ci peut avoir pour effet de ne pas désigner le bon pays comme responsable du
traitement de la demande d'asile. En outre, les États membres mettent beaucoup de temps à remédier aux
faiblesses constatées lors des évaluations des systèmes, que les auditeurs ont néanmoins trouvées
«approfondies et méthodiques».
Les auditeurs recommandent à la Commission européenne d'encourager les formations relatives aux
systèmes d'information, d'améliorer les procédures de contrôle de la qualité des données, d'analyser les
différences dans les contrôles de visas, de réduire les retards dans la saisie des données et d'accélérer la
correction des faiblesses décelées.
Remarques à l'intention des journalistes
Si les pays de l'espace Schengen sont responsables de la protection de leurs propres frontières, il faut, pour
que leur coopération soit efficace, un certain niveau d'harmonisation des contrôles frontaliers ainsi qu'une
politique commune en matière de visas. En 2018, ces pays ont émis plus de 14 millions de visas Schengen
de court séjour. Entre octobre 2015 et septembre 2017, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la
Grèce - il s'agit des pays ayant émis le plus grand nombre de visas - ont délivré près de 18 millions de
visas, mais ont procédé à moins de 14 millions de contrôles. Les États Schengen utilisent également plus de
200 types de visas nationaux qui permettent de se déplacer dans l'espace Schengen. Ces documents ne
figurent pas dans le système d'information commun et ne sont donc pas partagés avec les autres pays.
Le nombre de ressortissants de pays tiers refoulés aux frontières extérieures était compris entre 440 000
(en 2017) et près de 500 000 (en 2009). Entre 2013 et 2017, le nombre de réponses positives concernant
des personnes et objets recherchés sur la base des signalements établis par d'autres pays avait quasiment
triplé, passant de 87 000 à 243 000. Les rapports mensuels comportent environ 3 millions d'avertissements
pointant de possibles problèmes de qualité sur un total de quelque 82 millions d'enregistrements.
L'UE a mis en place cinq systèmes informatiques d'aide: le système d'information Schengen, le système
d'information sur les visas, le système européen de comparaison des signalements dactyloscopiques des
demandeurs d'asile (Eurodac), le système européen de surveillance des frontières (Eurosur) et le dossier du
passager (PNR). Les États membres n'ont recouru que de manière limitée aux fonds de l'UE disponibles
pour améliorer les systèmes d'information utilisés dans le cadre des contrôles aux frontières.
Le rapport spécial n° 20/2019 intitulé "Systèmes d'information de l'UE utilisés dans le cadre du contrôle
aux frontières - Un outil solide, mais trop peu axé sur l'exhaustivité et la disponibilité en temps opportun
des données" est disponible dans 23 langues de l'UE sur le site internet de la Cour (www.eca.europa.eu).
Précédemment, les auditeurs avaient déjà publié des rapports sur des sujets similaires, comme les
systèmes informatiques et contrôles douaniers, le système d'information Schengen et la migration
extérieure.
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