Le Groupe des Etats contre la Corruption auprès du Conseil de l'Europe considère que la Grèce et la Pologne baissent la garde contre ce fléau.

Conseil de l'Europe - 19/12/2019 19:25:00


Grèce: le système de justice pénale est inadéquat pour lutter contre la corruption
Malgré certaines améliorations, il convient de redoubler d'efforts pour rétablir la capacité du système de justice pénale grec à lutter contre la corruption, selon les experts du Conseil de l'Europe

Strasbourg, 18.12.2019 - À la suite des vives critiques formulées à l'encontre de la Grèce par le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l'Europe et par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour avoir assoupli sa législation en matière de lutte contre la corruption en déclassant certaines infractions, le GRECO, dans un rapport publié aujourd'hui, conclut que le Gouvernement grec a dans une certaine mesure rétabli des sanctions plus appropriées à cet égard.

En juin de cette année, le Parlement grec a déclassé l'infraction de corruption d'agents de la fonction publique, celle-ci passant du statut d'infraction grave à celui de délit mineur ; il a ainsi instauré des sanctions pénales moins sévères pour ce genre de délits. Le GRECO et l'OCDE ont vivement réagi à l'adoption de ces mesures et ont engagé des procédures ad hoc conjointes, comprenant notamment un dialogue avec le ministre de la Justice et d'autres responsables publics grecs, qui a abouti à la réintroduction, dans une certaine mesure, d'une législation pénale renforcée en matière de corruption à partir du 18 novembre 2019.

Malgré cette évolution encourageante, le GRECO note avec préoccupation que l'assouplissement de la législation opéré en juin aura des conséquences rétroactives durables en Grèce en ce qui concerne les infractions de corruption commises par des agents de la fonction publique avant le 18 novembre 2019 : en effet, celles-ci seront toujours considérées comme des délits mineurs.

En outre, le GRECO recommande aux autorités grecques de mettre en place un système selon lequel les circonstances aggravantes en matière d'infractions de corruption auraient un effet plus marqué sur les sanctions à appliquer. Il se félicite que les infractions de corruption aient été exclues du champ d'application de la compétence du ministre de la Justice lui permettant de suspendre les poursuites pénales portant atteinte aux relations internationales. Néanmoins, il recommande d'élargir la portée de la législation pénale grecque en matière de corruption dans un contexte étranger, conformément à la Convention pénale du Conseil de l'Europe, à laquelle la Grèce est partie.

Le GRECO relève également qu'une nouvelle caractéristique générale de la législation pénale permet au procureur de s'abstenir d'exercer des poursuites pour des délits passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement. Cette mesure pourrait affaiblir encore davantage la lutte contre la corruption et, éventuellement, contre d'autres infractions connexes, telles que le blanchiment d'argent.

Le GRECO rappelle qu'il est nécessaire que la Grèce se conforme aux normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ces normes contribuent également à une lutte efficace contre la corruption.

Enfin, le GRECO est préoccupé par le fait que le droit pénal grec prévoie actuellement une exonération totale de responsabilité pénale pour les actes de corruption commis à l'égard du Président de la République - qu'il s'agisse de corruption passive ou active - et invite instamment les autorités grecques à reconsidérer cette situation.


Pologne : les experts de la lutte contre la corruption qualifient le très faible niveau de conformité avec les recommandations de « globalement insatisfaisant »

Strasbourg, 16.12.2019 - Dans une évaluation de suivi publiée aujourd'hui sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs, le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l'Europe conclut que la Pologne a mis en oeuvre sept recommandations sur 16 et une seule des six recommandations adressées dans le cadre d'une procédure « ad hoc » plus récente portant sur des réformes judiciaires précises (2016-2018).

Compte tenu du très faible niveau général de conformité avec les recommandations, jugé « globalement insatisfaisant » au sens de l'article 31, paragraphe 8.3, du Règlement intérieur révisé, le GRECO demande au chef de la délégation polonaise de fournir un rapport sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre des recommandations en suspens, au plus tard le 31 décembre 2020.

S'agissant des parlementaires, le niveau de mise en oeuvre reste inchangé depuis un précédent rapport de conformité de 2014, puisque seule une des six recommandations a été mise en oeuvre. Vu l'importance de ces recommandations, qui vont du renforcement de la transparence des relations entre les parlementaires et les lobbyistes et les autres tiers qui cherchent à influencer le processus législatif à l'amélioration des directives éthiques en matière de conflits d'intérêts, le GRECO invite instamment les autorités à « agir de façon plus déterminée » pour mettre en oeuvre les recommandations en suspens, à la suite des élections législatives d'octobre dernier.

Pour ce qui est des procureurs, le GRECO « regrette » que le Bureau du Procureur général se contente encore d'examiner les moyens de mettre en place des conseils spécifiques sur les questions d'éthique et de conduite professionnelle, et qu'il n'ait pas été en mesure de donner des instructions générales à observer en cas de conflit d'intérêts et de problèmes connexes afin de compléter le « Recueil de principes éthiques ». Concernant les juges et les procureurs, il semble que d'autres modifications du système de déclaration de patrimoine fassent l'objet d'un projet de loi sur la transparence de l'administration publique, mais ce processus n'en est qu'à un stade précoce.

Concernant plus particulièrement les juges, à la suite des réformes judiciaires (2016-2018) largement critiquées en Pologne et de la décision du GRECO d'appliquer sa procédure ad hoc (article 34) - six nouvelles recommandations adressées à la Pologne ont été ajoutées à l'Addendum au Rapport d'Évaluation par l'adoption du rapport au titre de l'article 34.

Sur les suites données à ces recommandations, le GRECO se réjouit que les dispositions sur la mise à la retraite anticipée des juges de la Cour suprême (et la possibilité que le Président prolonge leur mandat) aient été abrogées, mesures que le GRECO avait considérées comme une source d'inquiétude sérieuse. Le GRECO se félicite également de la réintégration des juges de la Cour suprême qui avaient été mis à la retraite conformément aux dispositions des modifications apportées en 2017 à la loi relative à la Cour suprême.

Néanmoins, les mesures prises pour donner suite aux autres recommandations du rapport établi au titre de l'article 34 restent « insuffisantes ». Le GRECO estime qu'une analyse de la jurisprudence de la Cour suprême réalisée par le gouvernement ne constitue pas, à plusieurs égards, un réexamen effectif de la création de la chambre disciplinaire et de la chambre d'appel extraordinaire à la Cour suprême.

En outre, aucune mesure n'a été prise pour modifier les dispositions relatives à l'élection des membres du Conseil national de la magistrature, qui dans sa composition actuelle n'est pas conforme aux normes du Conseil de l'Europe. Aucune mesure n'a été prise pour réduire la participation de l'exécutif à l'organisation interne de la Cour suprême, pour modifier la procédure disciplinaire applicable aux juges de la Cour suprême, pour modifier la procédure de nomination et de révocation des présidents et vice-présidents des juridictions ordinaires ou pour modifier la procédure disciplinaire applicable aux juges des juridictions ordinaires. Comme l'indique le rapport établi au titre de l'article 34, ces dispositions, considérées dans leur ensemble, permettent aux pouvoirs législatif et exécutif d'exercer une influence sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire d'une manière dangereuse, affaiblissant ainsi grandement l'indépendance de la justice en Pologne. Le GRECO exhorte donc les autorités polonaises à répondre aux préoccupations soulevées par les cinq recommandations en suspens de son rapport établi au titre de l'article 34.

Bien que le GRECO juge importantes toutes les recommandations du rapport établi au titre de l'article 34, il est particulièrement préoccupé par les procédures disciplinaires à l'encontre des juges. Le GRECO a pris note des allégations relatives à l'utilisation abusive des procédures disciplinaires pour exercer des pressions sur les juges (ceux qui saisissent la Cour de justice de l'Union européenne de demandes de décisions préjudicielles, qui rendent certaines décisions indésirables aux yeux des milieux politiques, qui formulent des critiques à l'égard des réformes judiciaires du gouvernement ou qui assistent à des événements où ces critiques ont été exprimées). Le système actuel, où l'exécutif prend une part importante à ces procédures (que ce soit le ministre de la Justice dans les procédures disciplinaires à l'encontre des juges ordinaires ou le Président lorsqu'il s'agit de la Cour suprême) rend les juges de plus en plus vulnérables au contrôle politique, ce qui nuit à l'indépendance de la justice. Le GRECO invite instamment les autorités polonaises à modifier de manière prioritaire les procédures disciplinaires applicables aux juges, de manière à en exclure tout éventuelle influence excessive du pouvoir exécutif.

Contact : Panos Kakaviatos, Porte-parole/Attaché de Presse, tél. + 33 3 90 21 50 27