Polarisation du marché du travail, risques et enjeux pour la France : y a-t-il davantage d'emplois peu qualifiés ?

France Stratégie - 22/12/2020 13:15:00

À en croire les comparaisons internationales, la France serait l'un des pays où la polarisation de l'emploi est la plus marquée. Ce phénomène de polarisation du marché du travail fait craindre une atrophie de la classe moyenne, une montée des inégalités et une panne de la mobilité sociale. Mais est-ce réellement le cas ? Y a-t-il de plus en plus de bas salaires et d'emplois peu qualifiés (aides à domicile, serveurs, caissiers) parallèlement à la baisse des emplois moyennement qualifiés (ouvriers qualifiés de l'industrie, employés de bureau...) et l'augmentation des emplois très qualifiés (cadres, professions libérales) ? France Stratégie rappelle les difficultés méthodologiques d'une telle analyse, et conclut que la polarisation ne se traduit pas par l'augmentation de l'emploi peu qualifié.
Qu'est-ce que la polarisation de l'emploi ?

On entend par polarisation de l'emploi le declin historique de la part des emplois situes au milieu de la distribution des qualifications (employes et ouvriers qualifies) au profit a la fois des plus qualifies (cadres et professions intermediaires) et des moins qualifies (ouvriers et employes peu qualifies).

Les auteurs de l'étude se basent sur deux méthodes pour preciser le diagnostic français : d'abord en estimant la polarisation des emplois par la classification sociale des professions, ensuite par la distribution des salaires.

En France, la polarisation du marché du travail ne se traduit pas par une augmentation de la part des emplois peu qualifiés

Que l'on aborde la question par la categorie socioprofessionnelle, par le salaire individuel ou par le niveau de salaire moyen dans les meiers, on en arrive toujours au meme resultat : s'il y a bien une erosion des qualifications medianes au profit des professions de cadres, on ne decele en France aucune hausse de la part des emplois moins qualifies. A rebours d'une litterature academique deja nombreuse, les analyses des instituts statistiques - Insee et Dares - confirment ce constat nuance pour la France.

Si on se place du côté de la classification sociale des professions, on observe une augmentation massive des emplois liés aux services à la personne pendant les années 1990, notamment les aides à domicile et les assistant(e)s maternelles, avant que la crise ne déprime l'emploi des particuliers employeurs. Mis à part ces deux métiers, on ne constate pas d'augmentation des emplois peu qualifiés en France. Si on se place du côté des salaires, c'est le même constat : on constate que la part dans l'emploi des plus faibles remunerations, comme des remunerations medianes, a diminué depuis le milieu des annees 1990. Celle des remunerations elevees ou tres elevees a augmenté, ce qui traduit une montee en qualification.

Pourquoi cette différence de diagnostic sur le marché du travail français par rapport aux études académiques ?

La réponse serait essentiellement d'ordre méthodologique. On constate des divergences de nomenclatures entre les pays. Par exemple, la nomenclature internationale inclut dans la categorie des peu qualifies des professions qui sont identifiees comme moyennement qualifiees dans les categories socioprofessionnelles francaises et qui creent de l'emploi : c'est le cas des vendeurs ou des agents du transport. De plus, les données françaises comportent aussi leurs limites : nombre d'analyses academiques sur la France se fondent sur les donnees administratives - les DADS, declarations annuelles de donnees sociales - pour apparier salaires et professions, qui ne permettent pas d'analyser les évolutions de l'emploi salarié et non salarié sur longue période. Aussi, les qualifications se recomposent en permanence en fonction des profils recrutes, du progres technologique, de la localisation des activites, de la fragmentation du travail qui impactent les conditions d'emploi et de travail. Et ces recompositions touchent aujourd'hui toutes les qualifications. Cela invite a un classement plus « complexe » et dynamique des professions, de plus en plus difficilement comparable internationalement.


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