Entretien avec Luka Karabatic Champion de l'équipe de France de Handball

FFH - Fédération Française de Handball - 22/03/2022 09:35:00


Capitaine de l'équipe de France en l'absence de Valentin Porte, Luka Karabatic revient sur cette semaine internationale ponctuée par deux victoires face à la Norvège et le Danemark. Le cadet des frères Karabatic commente l'actualité de l'équipe de France et se projette sur les prochaines échéances.

Quel bilan tirez-vous de cette semaine internationale ?
C'est un bilan positif dans l'ensemble car au-delà des deux victoires, la semaine a été assez pleine avec de bonnes séances d'entraînement et surtout beaucoup de sérieux de la part de toute l'équipe. Enfin, on a battu le Danemark, chez lui, ce qui n'est jamais anodin. Certes, les configurations des deux équipes étaient différentes, mais malgré tout, cela reste une performance. C'est très bien pour la suite, cela nous relance bien et doit nous donner de la confiance pour plus tard.

Etes vous surpris, en dépit des absences (5) et du retour des 3 joueurs absents à l'Euro, de la capacité de l'équipe de France à performer ?
Je ne suis pas surpris car nous avons un groupe élargi avec beaucoup de joueurs de qualité à chaque poste. Je pense que nous sommes capables de répondre à chaque configuration d'équipe. On l'a vu à l'Euro où nous avons été performants. En dépit des absences (Luka Karabatic, Timothey N'Guessan et Nedim Remili), l'équipe a continué à être performante et elle a finalement échoué de si peu. Cette semaine aussi, malgré les absences, nous avons continué à délivrer une bonne performance. Une vingtaine de joueurs peut prétendre à une place sur le terrain et cela aide à parer à toute éventualité.

L'amalgame entre jeunes et anciens semble bien se réaliser ?
Cela se passe bien et cela a toujours été le cas en équipe de France, avec du respect de la part de ceux qui arrivaient par rapport à ceux qui étaient là depuis un certain temps. La mayonnaise a toujours bien pris, car c'est toujours le bien de l'équipe de France qui prévaut. On sait aussi l'importance et le poids de ce maillot. À chaque fois tout le monde arrive avec du respect de l'humilité et l'envie de bien faire.

Comment avez vous vécu l'Euro que tu as manqué en raison de ta blessure à la cuisse ?
La configuration était exceptionnelle avec de l'adaptation quotidienne. L'Euro était très décousu avec de nombreux cas de Covid, des configurations d'équipes un peu particulières. Franchement, c'était un peu la roulette russe et je trouve que l'équipe de France a réussi à bien s'adapter, à traverser tout cela avec le moins de pépins possible. Ce n'était pas évident, car de match en match, tu perdais des joueurs, il fallait sans cesse trouver des nouveaux schémas. C'était hyper compliqué alors arriver jusqu'en demies, c'est déjà une super chose. Au final, on vient mourir tout près de notre objectif, cela se joue sur des détails. Malgré tout, l'équipe de France a tenu sa place et a joué les premiers rôles.

L'accumulation des rassemblements avec le Mondial en Égypte, les J.O. de Tokyo et l'Euro en janvier, trois compétitions disputées dans des conditions particulières, la fatigue psychologique est-elle consécutive de cet enchaînement ?
Sans doute oui. Déjà physiquement, c'est clair. On l'a vu avec moi avec les blessures musculaires qui sont survenues. Même s'il y a toujours de la motivation, c'est le corps qui a lâché, qui a dit stop. Disputer des compétitions à huis clos, c'est assez pesant. En Hongrie, on retrouvait du public, mais la Covid-19 était toujours présente. Au final, l'Euro a été très difficile et pire que sur les compétitions précédentes. Mentalement, cela a dû être difficile pour les joueurs.

Nommé vice-capitaine en novembre dernier, vous avez conduit l'équipe de France cette semaine en raison de l'absence de Valentin Porte. Avez vous échangé avec lui ?
Je ne vais pas dire grand-chose là-dessus car cela reste du domaine privé, même si Val s'est un peu exprimé : je pense aussi que c'était pour être tranquille. Oui, j'étais au courant de ce qu'il se passait. Guillaume Gille m'avait prévenu en amont. J'aurais préféré avoir le capitanat dans d'autres circonstances. Ce n'est jamais évident de traverser de telles phases, mais nous sommes tous à fond derrière Val. Il a une place très importante dans l'équipe et il est très apprécié dans ce groupe. On espère qu'il va rapidement aller mieux.

Qu'avez vous ressenti au moment des hymnes samedi et dimanche ?
Ce n'est pas anodin. J'ai beaucoup de respect pour ce maillot et pour toute l'histoire du handball français. C'est une responsabilité et un honneur d'avoir ce rôle-là. Cela fait de nombreuses années que je suis en équipe de France et je prends cela comme une récompense. Cela montre la longévité car le sport de haut niveau, c'est une bagarre quotidienne. Bien sûr, j'en suis fier, mais j'ai essayé de ne pas trop y penser et de me concentrer sur ce que j'avais à faire sur le terrain.

Après le rassemblement du mois d'avril, l'équipe de France connaîtra une longue pause de 6 mois. Est-ce une pause salvatrice ?
C'est en effet rare et il faudra faire en sorte que cette pause nous apporte. Cela permettra à tous de recharger les batteries pour revenir avec beaucoup d'envie. Nous aurons beaucoup d'ambition sur le prochain Mondial.

La question est régulièrement posée à Nikola, mais vous, à bientôt 34 ans, comment vous projetez-vous vers l'avenir, et notamment l'après handball ?

Cela m'arrive d'y penser, car en effet je suis plus proche de la fin que du début. Mais j'espère jouer encore quelques années, 4-5 ans. J'ai 4 ans de moins que mon frère et il joue toujours. On verra, en fonction des blessures et de la forme, mais la motivation est là. J'ai toujours baigné dans le hand et je ne me vois pas tout couper d'un coup. Je garderai toujours un pied dedans. Accompagner les jeunes comme lors des stages Karabatic et retransmettre mon expérience, cela m'intéresse. Mais je ne suis pas sûr à 100 % de ce que je ferai.

En remportant les J.O. l'été dernier avec Nikola, n'avez-vous accompli votre plus grand défi ?
On navait même pas osé y penser. On est assez superstitieux tous les deux. On n'en parlait pas trop tous les deux. On a atteint ensemble une sorte de graal. Le réaliser avec son frère, c'est un aboutissement. Les émotions sont encore plus exacerbées. L'aventure était folle, avec Nikola, avec tout le groupe. Paris 2024 semble assez loin et, en même temps, assez proche, cela donne envie d'y goûter encore.

Le basketteur Évan Fournier s'est exprimé avec véhémence sur l'organisation des J.O. 2024, n'hésitant pas aussi à interpeller les handballeurs. Quel est votre sentiment ?

Cela ne sert plus à rien dy revenir car c'est décidé. J'espère simplement que le nécessaire sera fait pour que nous bénéficions d'expériences à Paris, notamment de la cérémonie d'ouverture. On sait qu'il y aura de la ferveur à Lille et qu'il y aura beaucoup de monde derrière nous. C'est le plus important et ces J.O. à Lille resteront un grand événement. D'ici là, il faut continuer à être performant et mériter sa place. Ce serait génial de faire quelque chose chez nous, en France.

Propos recueillis par Hubert Guériau
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