Entretien avec Chantal Petitclerc, multi-médaillée Paralympique aux 14 médailles d'or et sénatrice du Parlement Fédéral du Canada

CIJF - Comité International des Jeux de la Francophonie - 23/08/2023 15:55:00



Chantal Petitclerc multimédaillée Paralympique aux 14 médailles d'or et Sénatrice.


Q : Chantal Petitclerc, vous voudrez bien m'excuser pour la présentation de votre parcours qui est hors norme.
Vous êtes frappée par un drame de la vie. Vous refusez cette fatalité et vous engagez avec une détermination qui impressionne votre entourage dans le sport que l'on vient à peine de nommer handisport et vous accumulez littéralement record sur record. Vous avez tout gagné avec 14 médailles paralympiques. Vous êtes la plus titrée. Vous avez connu les Jeux de la Francophonie. Une fois le temps des records achevé, vous décidez de mettre votre énergie au service de la grande cause du handicap. C'est un nouveau challenge. Vous transposez dans la société civile et politique votre engagement, êtes sénatrice du Canada et menez tambour battant plusieurs projets de réforme pour améliorer la vie quotidienne de vos concitoyens qui sont privés de leur complète validité. Quelle est la méthode Chantal Petitclerc ?

Le parcours des athlètes paralympiques ou olympiques commence souvent par un défi, un accident ou un handicap. Dans mon cas, c'est un accident. A l'âge de 13 ans, dans une ferme, une énorme porte s'effondre sur moi, me rendant paraplégique. Il est difficile à cet âge d'envisager un avenir positif. Mes parents m'ont insufflé l'espoir en me parlant des opportunités existantes, notamment dans le sport. En plus, au Canada, la réflexion sur les athlètes handisport a débuté dès les années 1980 et j'ai eu le privilège d'en bénéficier. Nous avions déjà deux héros nationaux, Rick Carlson et André Vige, marathonien médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de los Angeles en 1984 et cinq fois victorieux au marathon international de Montréal, de 1985 à 1993. Le Français Mustapha Badid, en fauteuil roulant et champion Olympique du marathon aux Jeux de Séoul en 1988, portait aussi ce mouvement. Alors, je n'ai pas craint de prendre des risques. D'abord pour me remettre en forme puis, très rapidement, pour devenir championne paralympique.

Q : Quelle a été votre préparation pour devenir championne paralympique ?

C'est parfois le hasard de la vie. A l'université où j'étudiais, il y avait un club handisport. J'ai essayé la course en fauteuil roulant, dans laquelle le Canada était pionnier et, dès le départ, j'ai eu cette passion avec la chance d'être encouragée par une équipe enthousiaste et déterminée. Très rapidement, j'ai intégré l'équipe canadienne d'handisport et commencé les compétitions internationales. C'est comme ça que s'est tracé mon parcours.
Le monde paralympique prenait de l'ampleur et donnait de l'espoir. Ainsi, c'était la première fois, à Séoul en 1988, que les Jeux Paralympiques se tiendraient dans les mêmes installations que celles des Jeux Olympiques.

Q : Votre première participation importante date de 1992 à Barcelone. Quelle est alors la situation du handisport ?

Jusqu'en 1992, les Jeux paralympiques existaient mais sans visibilité médiatique positive. C'est à Barcelone que le travail fait sur le sujet est remarquable. Les gens venaient nous voir, les journalistes nous attendaient. J'y arrive sans pression, comme une débutante. Puis je gagne une première médaille de bronze et, surtout, je fais face aux meilleurs dans le monde. Je goûte à la haute performance et je réalise les promesses que nous donne cet univers de compétitions internationales. J'ai envie de gagner, de performer et de faire partie de ce mouvement-là, ambitieux et qui cherche à repousser des barrières, aussi en termes d'inclusion.

Q : En 1994, vous participez aux Jeux de la Francophonie à Paris. Qu'est-ce qui motive cette participation ?

Les Jeux de la Francophonie sont uniques même s'ils n'ont pas l'ampleur des Jeux olympiques et paralympiques. On s'y retrouve en famille avec le partage de cette langue qu'on aime, qui est celle de nos mères. Ces Jeux sont compétitifs mais aussi humains et festifs. J'en garde de très beaux souvenirs.

Q : La perception du sport paralympique a-t-elle changé entre 1992 et 2008 au sein du mouvement olympique ?

L'espace de professionnalisation du handisport a été incroyable même s'il reste encore à accomplir. En 1992, nous étions des athlètes avec un handicap auxquels les équipements devaient s'adapter. En 2008, nous étions dans la haute performance comme n'importe quel athlète olympique avec une visibilité mondiale. C'était une révolution. J'ai pris ma retraite après les Jeux Olympiques de 2008 et je constate le chemin parcouru. Maintenant, n'importe où sur la planète, un athlète en situation de handicap peut faire une carrière en handisport, performer, avoir des sponsors et être reconnu. Le message positif va au-delà de la sphère sportive et dit que, peu importent les défis de la vie, une personne en handisport a plus de potentiel que de limites. C'est un plus indéniable.

Q : Aujourd'hui, votre chemin vous conduit vers le monde social, la société civile et le monde politique. Qu'est-ce qui vous pousse à consacrer votre énergie à une action d'intérêt général ?

Lorsque j'ai pris ma retraite, j'avais 14 médailles d'or, des compétences et une question « que vais-je faire maintenant ? » Je me suis tournée vers le monde des médias et de l'entraînement sportif puis, par hasard, le Premier ministre canadien m'a proposé de devenir membre du Sénat. Ce fut une surprise. Au début, je me demandais si ma place était là-bas, étant femme médaillée paralympique, J'ai tenté l'aventure et ne l'ai pas regretté. Sénatrice depuis 7 ans, nous soutenons des projets de lois pour aider les personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté. C'est une grande responsabilité mais fantastique.

Q : Quelles sont les chantiers prioritaires à entreprendre en qualité de sénatrice ?

Quand je suis arrivée au Sénat, la courbe d'apprentissage a été la plus abrupte de toute ma vie et je me suis servie ceci des qualités et de la discipline de travail acquises comme athlètes. A mon arrivée, il y avait plusieurs chantiers. Le premier sujet a été celui de l'accessibilité universelle pour lequel le Canada ne disposait pas de loi puis la nécessaire ouverture ouvrait des critères de l'aide médicale à mourir, sujet sensible qui concerne les personnes en situation d'handicap. Je voulais faire entendre ma voix dans ce débat. Notre ministre des Sports, rigoureuse et exigeante, veut une restructuration de nos organisations sportives aux niveaux fédéral et provincial en vue d'un épanouissement de tous les athlètes dans leur sport.
Le chemin vers la politique reste encore à accomplir pour les sportifs car, chez nous, au Canada, peu d'athlètes s'y engagent. Je suis confiante, cela viendra.


Entretien avec Jean François Puech directeur de la rédaction

Palmares de Chantal Petitclerc aux Jeux de la Francophonie

Médailles d'or dans la compétition d'athlétisme féminin handisport (100 m & 800 m) des IIes Jeux de la Francophonie, France 1994 & Médaille d'or dans la compétition d'athlétisme féminin handisport (800 m) des IVes Jeux de la Francophonie, Canada 2001

Chantal Petitclerc a remporté 21 médailles paralympiques, dont 14 médailles d'or. Elle est détentrice des records canadiens et mondiaux sur toutes les distances. En 2010, Chantal a été décorée de l'Ordre du Canada.

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Chantal Petitclerc