Le traité d'interdiction des essais nucléaires (TICE) en sept questions

Elisabeth BORNE Première Ministre - 24/10/2023 11:25:00



OTICE Un essai nucléaire réalisé sur une île de Polynésie française en 1971.

Depuis le premier essai d'explosion nucléaire en juillet 1945, plus de 2 000 essais nucléaires ont été réalisés en grande partie par les États-Unis (1 032), l'Union soviétique (715) et la France (210). Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) constitue l'un des piliers de la non-prolifération nucléaire. De quoi s'agit-il ?

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Quelle est l'architecture mondiale de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires ?
Le 24 septembre 1996, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) a été ouvert à la signature. Ce traité international est l'un des trois accords de portée universelle en matière de désarmement nucléaire, avec le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968 et le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) de 2017.

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Quel est l'objectif du traité d'interdiction des essais nucléaires ?
Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (1996) interdit toutes les explosions nucléaires, qu'elles soient effectuées dans l'atmosphère, sous la mer, sur terre ou sous terre et quelle que soit l'énergie dégagée. Cela signifie que même les essais de très faible énergie (les plus difficilement détectables) sont prohibés.

Le traité s'adresse à tous les États, qu'ils soient dotés ou non de l'arme nucléaire et indépendamment de leur statut d'État doté au sens du traité de non-prolifération.

Article 1er du TICE

"Chaque État partie s'engage à ne pas effectuer d'explosion expérimentale d'arme nucléaire ou d'autre explosion nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle".

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Le traité sur l'interdiction des essais nucléaires est-il en vigueur ?
L'entrée en vigueur du traité est conditionnée (article XIV) à la ratification obligatoire de 44 États qui possèdent des installations nucléaires civiles et que l'on considère être en mesure de se doter rapidement d'un arsenal nucléaire. À ce jour, ce traité n'est pas encore entré en vigueur.

Toutefois, le TICE, signé par 185 pays, a été ratifié par 170 d'entre eux, dont trois États détenteurs d'armes nucléaires : la France, la Russie et le Royaume-Uni.

Mais, les États-Unis, la Chine, Israël, l'Égypte et l'Iran ne l'ont pas ratifié. Pour leur part, l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord n'ont pas signé le traité.

Révocation de la ratification du TICE par la Russie et débats à l'ONU

Le 18 octobre 2023, les députés russes ont adopté la loi qui prévoit la révocation de la ratification du TICE. Par ailleurs, le 16 octobre 2023, lors des échanges de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale) de l'Assemblée générale des Nations unies, les États dotés en armes nucléaires ont vigoureusement défendu leurs doctrines de sécurité liées à ces armes. De son côté, la Fédération de Russie "a rendu les États-Unis responsables de toutes ses décisions récentes : menaces d'utilisation de l'arme nucléaire, annonce du déploiement d'armes nucléaires au Bélarus, retrait du Traité New START et l'annonce d'un prochain retrait du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE)".




CTBTO Des cratères et des trous de forage parsèment le site d'essais nucléaires de l'ancienne Union soviétique de Semipalatinsk, dans ce qui est aujourd'hui le Kazakhstan.

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De quoi est chargée l'Organisation du traité d'interdiction des essais nucléaires (Otice) ?
L'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Otice) est dédiée à faire respecter les dispositions du traité. Le traité a mis en place le secrétariat exécutif de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires qui a développé au fil des années un réseau mondial de plus de 300 stations de surveillance.

L'Otice gère dans le monde entier des instruments de mesure sismographiques pour détecter les éventuels essais.

Le dernier essai nucléaire a été réalisé par la Corée du Nord en 2017.


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Sur quelles bases un État est-il autorisé à posséder l'arme nucléaire ?


La question de la licéité de la possession d'armes nucléaires par les États est dans une large mesure liée au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) du 1er juillet 1968. En effet, son article 6 prévoit que les États non dotés de l'arme nucléaire avant le 1er janvier 1967 s'engagent à ne pas l'acquérir. À cette date, seuls cinq États possédaient l'arme nucléaire : Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et URSS.

Depuis lors, trois États qui n'avaient pas signé le TNP sont devenus des puissances nucléaires : l'Inde, le Pakistan et Israël. La Corée du Nord qui s'est retirée du TNP en 2003 a également développé l'arme nucléaire.

Par ailleurs, l'interdiction pour des États de posséder l'arme nucléaire peut être liée à la dénucléarisation conventionnelle de certaines régions :

l'Amérique latine et les Caraïbes, avec le traité de Tlatelolco de 1967 conclu entre 33 États ;
le Pacifique Sud (traité de Rarotonga conclu par 14 États, en 1985) ;
l'Asie du Sud-Est avec le traité de Bangkok (dix États, 1995) ;
l'Afrique avec le traité de Pelindaba, conclu dans le cadre de l'Union africaine en 1996 ;
enfin, cinq États d'Asie centrale ont conclu le traité de Semipalatinsk en 2006.
Un traité sur l'interdiction des armes nucléaires a été adopté par 122 États en 2017 ; il vise à renforcer le principe de dénucléarisation à l'échelle internationale. De nombreux États ne l'ont cependant pas signé, au premier rang desquels figurent les puissances nucléaires actuelles ; il n'est pas encore entré en vigueur.

Enfin, certains États comme la Nouvelle-Zélande (1987), l'Autriche (1999) et la Mongolie (2000) ont unilatéralement conforté leur statut non nucléaire en adoptant des mesures d'ordre législatif ou constitutionnel.


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Comment s'organise le système international de surveillance ?
Le régime international d'interdiction des essais nucléaires est en cours de constitution. Il est fondé sur :

le traité d'interdiction complète des essais nucléaires ;
le régime de vérification associé à ce traité qui est déployé, via un système de surveillance international (SSI), à titre provisoire et de manière anticipée.
Le traité prévoit la création d'un système de surveillance international, destiné à permettre la détection, la localisation et la confirmation de tout essai nucléaire supérieur à une kilotonne, en tout point du globe et quel que soit le type de tir.

Le réseau comprend 321 stations de détection réparties sur toute la planète.

Le SSI comprend quatre types de stations qui diffèrent par la technique de détection utilisée :

170 stations sismiques ;
80 stations radionucléides ;
60 stations infrasons ;
11 stations hydroacoustiques.
Le TICE prévoit également la mise en place d'un mécanisme d'inspections sur place qui doit permettre le déploiement automatique d'une équipe internationale d'inspecteurs en cas de soupçon de violation du traité par un État partie.


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Comment peut-on détecter un essai nucléaire ?
Différentes méthodes peuvent êtres utilisées pour détecter un essai nucléaire. La nature de l'essai - souterrain, aérien ou sous-marin - détermine la marche à suivre :

Surveillance sismique
Les ondes sismiques produites par une explosion atomique diffèrent de celles issues d'un séisme. Après analyse, elles permettent de situer le lieu d'un évènement avec précision et d'en déterminer la nature et la puissance. Les ondes sismiques se déplaçant à grande vitesse, un essai souterrain peut être détecté quelques minutes après sa réalisation. On le détecte à l'aide de sismomètres.

Surveillance des infrasons
Un essai nucléaire aérien n'interagissant que très peu avec le sol, les ondes sismiques ne peuvent être utilisées. En revanche, on peut mesurer les perturbations acoustiques qu'il génère dans l'atmosphère. Pour cela, on utilise des microbaromètres. Ceux-ci détectent des microvariations des ondes sonores de très basse fréquence, inaudibles pour l'homme.

Surveillance des radionucléides
Les stations de détection mesurent les produits radioactifs dispersés dans l'atmosphère lors de l'explosion. Elles recueillent les particules en suspension dans l'atmosphère et signalent la présence de certains éléments radioactifs caractéristiques d'une explosion nucléaire (iode ou césium, par exemple).

Surveillance hydroacoustique
Un essai nucléaire sous-marin engendre des ondes acoustiques qui peuvent se propager à très grande distance dans l'eau. Pour le détecter, on utilise des hydrophones. Lorsque ces ondes sont transmises à la terre ferme, des stations de détection sismique prennent le relais et détectent les ondes acoustiques converties en ondes sismiques. Les stations de détection sont installées sur de petites îles.


Quels rôles jouent la France et l'Union européenne ?
La France a conduit une ultime campagne d'essais nucléaires en 1995-1996.

Puis, elle a été le premier État doté de l'arme nucléaire à signer le TICE, aux côtés du Royaume-Uni, le 24 septembre 1996, puis à le ratifier.

C'est le seul État à avoir fermé et démantelé son site d'essais nucléaires.

La contribution française au système de surveillance international de l'Otice est importante avec plusieurs installations :

16 stations situées sur son territoire ;
huit stations situées à l'étranger ;
un laboratoire radionucléaire certifié.

L'Union européenne et le TICE

L'UE est l'un des principaux bailleurs de fonds volontaires de l'Otice. Depuis 2006, le Conseil européen a adopté, à l'appui de l'Otice, un engagement de plus de 22 millions d'euros.




Mise au point d'un sismomètre dans les laboratoires du CEA

PLUS D'INFO

Le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE, ou Comprehensive Test Ban Treaty / CTBT), ouvert à la signature le 24 septembre 1996, interdit toute explosion nucléaire.

« Chaque État s'engage à ne pas effectuer d'explosion expérimentale d'arme nucléaire ou d'autre explosion nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle ».

Article 1er du TICE

Il organise un régime de vérification. Le retrait du Traité est possible en cas de mise en cause des intérêts suprêmes d'un État partie.

Le TICE ne pourra entrer en vigueur qu'après sa ratification par les 44 États qui détenaient des installations nucléaires en 1996 (pays dits de l'annexe 2). Huit de ces États n'ont pas encore procédé à cette ratification : Chine, Égypte, États-Unis, Iran, Israël (signataires) ainsi que Corée du Nord, Pakistan et Inde (non signataires). Au total, 183 États ont signé le TICE et 159 l'ont ratifié.

Le régime de vérification du TICE

Le traité prévoit la création d'un Système de Surveillance International (SSI), destiné à permettre la détection, la localisation et la confirmation de tout essai nucléaire supérieur à une kilotonne, en tout point du globe et quel que soit le type de tir. Il s'agit d'un réseau composé de 321 stations de détection (et de 16 laboratoires d'analyses de radionucléides), réparties sur toute la planète, dont plus de 85 % étaient installées en 2013 et dont les données sont transmises au pays qui en assure la responsabilité ainsi qu'à un centre international de données basé à Vienne. La France est responsable de 24 stations de ce réseau.

Le SSI comprend 4 types de stations qui diffèrent par la technique de détection utilisée :


Le traité prévoit l'installation de 321 stations de détection dans le monde ET de 4 types de stations qui diffèrent par la technique de détection utilisée
- 170 stations sismiques
- 80 stations radionucléides
- 60 stations infrasons
- 11 stations hydroacoustiques

Bien qu'inachevé, ce régime, pour lequel l'effort financier s'est d'ores et déjà élevé à plus d'un milliard de dollars, a fait la preuve de son efficacité à l'occasion des trois essais nucléaires revendiqués par la Corée du Nord.

Alors que la mise en place du réseau se poursuit, l'enjeu principal réside dans la construction des dernières stations (situées dans des zones difficiles d'accès ou sur le territoire de pays non signataires du Traité) et dans la maintenance des stations, dont certaines sont en place depuis plus de dix ans. L'effort financier des pays signataires du TICE, relativement modeste, doit donc être maintenu. La contribution française était, en 2013, de l'ordre de 5 millions d'euros.

Le TICE prévoit également la mise en place d'un mécanisme d'Inspections sur place qui doit permettre le déploiement automatique d'une équipe internationale d'inspecteurs en cas de soupçon de violation du traité par un État partie. Un « exercice intégré de terrain » (IFE14) sera organisé en novembre 2014 en Jordanie doit permettre d'évaluer les progrès dans la mise au point de cet outil.

Comment détecter un essai nucléaire ?

Différentes méthodes peuvent êtres utilisées pour détecter un essai nucléaire. Tout dépend de la nature de l'essai : souterrain, aérien ou sous-marin.

- Un essai nucléaire souterrain crée des ondes sismiques semblables à celles d'un séisme. On peut donc le détecter à l'aide de sismomètres.

- Un essai nucléaire aérien n'interagissant que très peu avec le sol, les ondes sismiques ne peuvent être utilisées.

En revanche, on peut mesurer les perturbations acoustiques qu'il génère dans l'atmosphère. Pour cela, on utilise alors des microbaromètres.

On peut également mesurer les produits radioactifs dispersés dans l'atmosphère lors de l'explosion. Des stations de détection recueillent les particules en suspension dans l'atmosphère et signalent la présence de certains éléments radioactifs caractéristiques d'une explosion nucléaire.

- Un essai nucléaire sous-marin engendre des ondes acoustiques qui peuvent se propager à très grande distance dans l'eau. Pour le détecter, on utilise des hydrophones. Lorsque ces ondes sont transmises à la terre ferme, des stations de détection sismique prennent le relais et détectent les ondes acoustiques converties en ondes sismiques.